Ali au Pays des Merveilles

Un film de Djouhra Abouda et Alain Bonnamy

Essai expérimental sur la condition des migrants algériens dans la France giscardienne du milieu des années 70 : tout choix esthétique a une motivation politique précise et lisible et donne corps et voix à une figure totalement absente du cinéma expérimental de l’époque : celles du travailleur immigré. Abouda et Bonnamy sont les enfants des immigrés que l’on voit dans le film, et non de simples militants au service d’une cause, c’est pourquoi l’émotion de leur geste expérimental, qu’ils jettent à la figure du spectateur, jaillit d’une férocité inscrite dans leurs corps, d’une colère insatiable qui habite leur regard.

En présence de Djouhra Abouda

  • Documentaire
  • France
  • 59′
  • 1976
  • Djouhra Abouda et Alain Bonnamy

Film restauré CINÉ-CRIS

Restauration 4K réalisée en 2021 par l’Image Retrouvée à partir des négatifs originaux et d’une copie 16mm, menée par l’association Talitha en collaboration avec les deux cinéastes.

 

Ali au pays des merveilles, tourné en 16mm, est un geste plus frontal, radical et fulgurant, militant et musical, où « toutes les images ont été filmées comme des coups de poing ». Ce film-tract virevoltant, porté par un montage sans concession, fait éclater au grand jour la condition des travailleuses et des travailleurs immigrés à Paris et alentours dans les années 1970. Un cri de colère lancé à la face de la société française, pays des merveilles où prospèrent l’exploitation et le racisme, où se perpétuent la domination et l’esprit de colonisation. (Nicolas Feodoroff, FID Marseille)

 

Dans le journal Le Monde, en 1977, l’écrivain Tahar Ben Jelloun écrivait : « Ali au pays des merveilles est un film sur le temps et l’usure. La dérision et la mélancolie de l’histoire. Les auteurs montrent bien le lien politique entre la colonisation et l’émigration. Ce n’est pas un film militant. C’est autre chose : un regard qui détourne le quotidien et redonne à la misère et à l’exploitation dont sont victimes les travailleurs émigrés, les dimensions du fantastique. Le réel donné et découpé est encore plus fort, plus surprenant que la fiction : il est aussi plus violent que le discours politique. Pour Djouhra, “si le film doit être réduit à un discours politique, mieux vaut distribuer des tracts.” »

 

Ali aux pays des merveilles a été restaurée en 2021 à l’initiative de la chercheuse Léa Morin, avec le concours de l’association Talitha et les deux cinéastes à partir de négatifs originaux et d’une copie 16mm. Le Musée national d’art moderne a fait l’acquisition du film en 2021.

 

Née dans un village des montagnes du Djurdjura en Kabylie à la fin des années 1940, Djouhra Abouda (né en 1949) arrive en France avec son père à l’âge de 5 ans et vit à Paris, dans le quartier de Belleville. Après avoir rompu avec sa famille qui l’empêche de choisir une carrière artistique, elle fonde dans les années soixante-dix le groupe Djurdjura, où paroles de femmes et revendications de la culture kabyle se mêlent. Après plusieurs albums, elle se consacre à une carrière solo, avec l’album Uni-vers-elles, sorti en 2002.  Dans les années 1970, Djouhra Abouda développe un projet cinématographique dans les laboratoires expérimental de l’Université de Vincennes avec l’architecte Alain Bonnamy (1947). Ils produiront et réaliseront trois films ensemble : Algérie couleurs (1970-1972), une recherche cinématographique sur la couleur dans l’architecture algérienne réalisée au banc-titre à partir de photographies prises par Alain Bonnamy et montées selon un paradigme musical Cinécité en 1973-1974 (qui figure déjà dans la collection du Musée national d’art moderne), fondé sur le principe du métissage des cultures ; Ali au pays des Merveilles (1975-1976), film-tract consacré aux conditions de vie des travailleurs algériens en France.