Des activités culturelles pour se réapproprier son travail

Les activités sociales de l’énergie, déployées par la Caisse Centrale d’Activités sociales (CCAS) et les Caisses Mutuelles Complémentaires et d’Action Sociale (CMCAS) -deux structures apparentées aux comités d’entreprise- comportent une composante culturelle forte. Ces dernières années, les pratiques amateurs ont été intégrées dans la politique culturelle et plus particulièrement celles se rapportant à la lecture et à l’écriture. Cette orientation de politique culturelle a débouché sur un dispositif nouveau proposé aux salariés de l’énergie et dénommé les PARLE (Pratiques Amateurs au Rendez-vous de la Lecture et de l’Ecriture). Qu’est-ce à dire ? Sans entrer dans le détail, les PARLE visent à renouveler les pratiques de lecture et d’écriture ; nous avons imaginé y parvenir en promouvant l’expression des salariés et de leur famille, à propos des activités sociales en général et des activités culturelles en particulier. Un livre peut donner lieu à un commentaire, comme une photographie, un film ou une pièce de théâtre – donc écriture. Ce commentaire peut être partagé et discuté avec d’autres salariés –donc lecture. De cet échange peut naître une interprétation qui dégage un sens possible pour un collectif –donc appropriation critique par des lecteurs et des lectrices d’une vision du monde proposée par un auteur ou un créateur à un public.

Dans cette démarche d’éducation populaire qui vise à l’expression, au partage et à la création de sens communi par ceux dont la parole est inaudible, la part « des sans part », le travail est rapidement venu comme un sujet qui devait constituer un axe fondamental. Plus précisément, une certaine approche du travail qui place la personne au centre du regard pour tenter de comprendre ce réel concret. A savoir :

=> Celle qui mesure qu’entre le travail prescrit et le travail réalisé, il y a toujours une interprétation nécessaire de la prescription par le travailleur pour que la tâche aboutisse dans un objet ou un service.
=> Celle qui décèle que tout labeur requiert intelligence et coopération, créativité et imagination pour que le processus productif s’accomplisse.
=> Celle qui pense que la seule et véritable mesure de la richesse qui vaille est le riche développement des capacités d’intervention humaines dans chaque humain.
=> Celle qui dévoile une personne toujours entièrement là malgré le caractère parcellaire de la tâche professionnelle à accomplir. Une personne sensible et multiple donc qui se nourrit d’une multiplicité d’apports sensibles dans et hors travail.

Mais combien sont-ils ou elles à pouvoir déployer toutes leurs facultés et leur individualité dans le travail ? Ce n’est pas faute d’aimer son travail quel qu’il soit… mais la subsomption de la mondialisation par le capitalisme libéral, la prolétarisationi de métiers par l’automation que favorise la calculabilité algorithmique et l’avènement d’un néo management comme credo pour mobiliser les esprits laborieux ont plongé les travailSii dans la tourmente. Dès lors, se réapproprier le travail, son organisation et son sens ne devient-il pas une urgence absolue pour ouvrir les chemins de nouveaux possibles humains ?

C’est à explorer cette voie qu’ont voulu s’atteler deux propositions d’activités culturelles conçues pour permettre la participation des salariés de l’énergie au festival « Filmer le travail », avec la complicité du cinéaste Benoît Labourdette : réalisation de films courts et commentaires écrits d’images.

Pour la première, nous avons proposé aux électriciens et gaziers de réagir au mot « travail » par l’écrit, le dessin et la voix, au cours d’un atelier de réalisation qui s’est tenu lors d’une pause méridienne dans un restaurant CCAS de Poitiers. Ces films – vingt-deux – ont été projetés lors du festival en ouverture de la section « Filme ton travail ! » et sur les murs de la ville au cours d’une déambulation cinématographique. On peut les retrouver sur le blog des PARLE : http://parle.cmcas.com/videos/festival-filmer-le-travail-les-electriciens-et-les-gaziers-apportent-leur-contribution/.

our la seconde, nous avons mis en place un atelier d’écriture un peu particulier « écrit sur image » lors de la tenue d’un stand posé au beau milieu du festival. Il s’agissait de commenter des clichés photographiques sur le travail pris par les photographes Bénédicte Loyen, Myriam Drosne et Éric Dexheimer. Cet atelier a recueilli une soixantaine de photos commentées visibles sur le blog des PARLE: http://parle.cmcas.com/2017/02/22/festival-filmer-le-travail-ecrit-sur-image/.

Ce que nous avons pu constater avec ces initiatives culturelles, c’est une grande disponibilité et un véritable désir de s’exprimer sur le travail dans une grande diversité d’approches et de sensibilité.

Les contributions recueillies sont le matériau de base d’un dialogue que nous entendons faciliter et nourrir de différentes façons et en diverses occasions. Avec à ce stade une espérance plus qu’un objectif : dire son travail n’est-ce pas un moyen de prendre conscience de ce qu’il nous doit et de ce qu’on lui doit ? Et dès lors, ne peut-on en venir à se dire que dans mon travail et dans ton travail, c’est nous qui nous décidons ? Une voie possible pour se réapproprier son devenir social.

Guy Carassus, Ingénieur culturel à la CCAS