C’est avec grand plaisir que nous vous invitons à découvrir le palmarès de cette 12ème édition inédite du Festival international Filmer le travail ! Les films suivants sont encore disponibles jusqu’au dimanche 28 février à minuit.
Après d’intenses délibérations, le jury professionnel, le jury de la ville de Poitiers, les lycéens et apprentis, les détenus du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne et les spectateurs/internautes ont choisi de récompenser les films suivants.
Le mot du jury professionnel
L’année dernière, en pleine contestation de la loi Travail, le jury du festival Filmer le travail avait décidé, par un geste fort et poignant, de privilégier la solidarité à la compétition et d’attribuer les prix à tous les films. Qui aurait cru qu’une année plus tard, le festival aurait lieu à distance et que nous allions regarder chacun les films chez soi ? Malgré cette situation sidérante, nous avons eu beaucoup de plaisir à participer au jury de la compétition internationale 2021.
Les débats autour des films ont été vifs et passionnants. Le choix de primer un film plutôt qu’un autre a été difficile au sein d’une sélection d’une très grande qualité. Nous remercions et félicitons Maïté Peltier et toute l’équipe du festival pour cette sélection et de nous avoir offert le plaisir de découvrir ces beaux films. Nous les remercions aussi d’avoir su adapter le festival au contexte actuel et d’avoir mis en place une plateforme qui a permis à un large public de voir les films.
Néanmoins, nous espérons nous retrouver bientôt pour revoir les films ensemble et en salle. C’est une expérience essentielle, une expérience sociale, même si cela nous oblige à être masqués et à distance. Aucune plateforme, aucun petit écran ne peut la remplacer. Le monde du cinéma vit en ce moment un cauchemar et nous sommes préoccupés de voir une filière qui emploie des centaines de milliers de personnes péricliter. Les films s’empilent en attendant leur sortie sans cesse reportée et un grand nombre d’entre eux risque d’être sacrifié. Chaque semaine de fermeture des salles supplémentaire aggrave la situation. Alors que plusieurs études ont démontré que les théâtres, cinémas et musées sont des lieux sûrs, où la circulation des personnes peut être maîtrisée, des règles sanitaires et la distanciation respectées, le gouvernement s’obstine à maintenir les salles fermées. Nous espérons vivement que des décisions politiques seront rapidement prises pour permettre la réouverture des lieux culturels.
GRAND PRIX FILMER LE TRAVAIL
El año del descubrimiento
Un film de Luis López Carrasco
Documentaire / Espagne, Suisse / 200′ / 2019 / Luis López Carrasco / ECAM
En 1992, dix ans après la victoire du parti ouvrier de Felipe Gonzalez, l’Espagne donne l’image d’un pays civilisé, moderne et dynamique. Cependant, dans la ville de Carthagène, située dans le sud-est du pays, émeutes et manifestations s’achèvent par l’incendie de la préfecture régionale à l’aide de cocktails molotov.
Le mot du jury professionnel
Pour l’exigence et la radicalité de son écriture, pour la confiance et le respect qu’il octroie à la parole, pour l’extrême lucidité du regard qu’il porte sur ses contemporains et pour son ambition à déconstruire la logique d’un système dont la violence suscite la révolte, nous décernons le grand prix du jury à El año del descubrimiento de Luis Lopez Carrasco.
PRIX RESTITUTION DU TRAVAIL CONTEMPORAIN
La casa dell’amore
Un film de Luca Ferri
Documentaire / France / 76′ / 2020 / EffendemFilm, Lab 80 Film / Taskovski Films / déconseillé aux -16 ans
La casa dell’amore suit le quotidien d’une prostituée trans de trente-neuf ans dans le logement milanais où elle vit et reçoit ses clients. Un lieu magique permettant à ses hôtes de se montrer au monde comme ils sont vraiment, d’abandonner tout masque et de se soustraire aux contraintes sociales.
Le mot du jury professionnel
Nous avons décidé d’attribuer le prix “Restitution du travail contemporain” au film de Luca Ferri, La casa dell’Amore. Entre intimités, travail, sexualités et amours, ce film documentaire joue avec l’esthétique de la fiction pour nous parler de Bianca, travailleuse du sexe. Les choix formels et la profilmie du personnage nous donnent accès à son intimité, sa métamorphose, ses ami·es et ses amours avec, en parallèle, son travail et la relation qu’elle entretient avec ses clients dans le même espace. Dans la maison de l’amour, en huis clos, les fantasmes et les désirs des corps sont à l’œuvre.
PRIX VALORISATION DE LA RECHERCHE
Clean with me (After dark)
Un film de Gabrielle Stemmer
Documentaire / France / 21′ / 2019 / Eliott Khayat, La Fémis
Avec l’aimable autorisation de Canal+
Sur Youtube, des centaines de femmes se filment en train de faire le ménage chez elles. Bien plus que de simples tutos et derrière l’épanouissement familial affiché, ces vidéos dévoilent des détresses et solitudes vertigineuses.
Le mot du jury professionnel
Clean with me (After dark) explore les pistes fertiles de nouvelles possibilités d’écriture permises par l’explosion actuelle des usages de l’internet. Images, sons, mais aussi textes, sont convoqués pour construire une dérive en ligne stupéfiante qui égratigne la surface lisse des réseaux sociaux. Dans cet essai saisissant, Gabrielle Stemmer nous donne à voir toute la violence de l’aliénation de femmes recluses dans les intérieurs génériques et les banlieues atones d’une certaine Amérique blanche.
MENTIONS SPÉCIALES DU JURY PROFESSIONNEL
Le kiosque
Un film de Alexandra Pianelli
Documentaire / France / 78′ / 2019 / Quentin Laurent, Les Films de l’œil sauvage, Ad Libitum, viàGrandParis
Le kiosque est le journal filmé d’Alexandra, jeune plasticienne venue prêter main forte à sa mère, vendeuse de journaux dans un quartier chic de Paris. De la découverte du métier à la complicité qui se noue avec la clientèle, la réalisatrice joue à la marchande, comme dans un vieux rêve d’enfant. Derrière la caisse, où se succèdent depuis un siècle les membres de sa famille, Alexandra s’amuse à enregistrer le monde comme il va avec son téléphone. Mais la presse papier est en crise et ce petit jeu s’avère finalement plus compliqué que prévu…
Le mot du jury professionnel
Par cette mention, nous souhaitons saluer un film investi, sincère, intelligent et joyeusement bricolé. Le Kiosque rend compte d’un quotidien dont la mise en scène invite au partage de situations sociales, culturelles, politiques, qu’Alexandra Pianelli, issue d’une lignée de kiosquiers, accueille dans cet espace exigu, à la fois rassurant et fragile. Une diversité d’outils, de formes et de formats sont mobilisés pour montrer, décrire, expliquer, fournir une analyse du fonctionnement économique et social de ce lieu de travail, donnant à l’ensemble une étonnante cohérence.
Trouble sleep
Un film de Alain Kassanda
Documentaire / France, Nigeria / 40′ / 2020 / Autoproduction
Fred, diplômé sans emploi comme beaucoup de jeunes Nigerians, démarre un nouveau travail de taximan. Akin, lui, taxe les véhicules commerciaux pour le syndicat national des transports. Tous deux évoluent dans le riche paysage urbain d’Ibadan, dont la caméra d’Alain Kassanda chorégraphie le quotidien et les multiples rapports de force qui s’y jouent.
Le mot du jury professionnel
Une mention spéciale est attribuée au film Trouble Sleep qui tisse avec poésie des relations de travail à l’apparence chaotique, mais en réalité codée, au cœur d’une urbanité violente et corrompue. Le regard alerte, attentif, subtil, vif et jubilatoire que porte Alain Kassandra sur ses protagonistes et la ville qui grouille autour d’eux nous a convaincus. Telle une danseuse, la caméra circule dans le chaos urbain pour nous faire sentir l’odeur de la gazoline et nous mettre face aux aspirations et au manque de perspectives de la jeunesse nigériane, prise dans l’étau d’une économie globalisée sans pitié.
Le mot du jury de la ville de Poitiers
PRIX SPÉCIAL DU PUBLIC
Remis par le jury de la ville de Poitiers
Makongo
Un film de Elvis Sabin Ngaïbino
Documentaire / Centrafrique, Argentine, Italie / 72′ / 2019 / Makongo Films
Au cœur de la forêt tropicale humide du bassin du Congo, la vie des peuples de chasseurs cueilleurs, qualifiés avec mépris de Pygmées par les populations voisines, suit tranquillement son cours. Une fois par an seulement, leur quotidien est troublé par ce qu’ils appellent le M’vinsu, la saison de la récolte des chenilles.
Le mot du jury de la ville de Poitiers
Après 19 heures de visionnage et de longues heures de débat, les six membres du jury se sont réunis et ont décidé de décerner le prix « spécial du public » à Makongo.
Ce film nous a profondément touché. Il montre la vie difficile de deux pygmées de Centrafrique, issus d’un peuple méconnu de chasseurs cueilleurs au cœur de la forêt tropicale, et leur volonté de se battre pour l’accès à l’éducation. Entre désir d’un meilleur avenir et respect des traditions, on traverse le quotidien d’André et Albert, pas à pas, entre petites défaites et petites victoires.
C’est un beau témoignage sur ce peuple, filmé avec beaucoup de sensibilité et sans artifice.
Il nous plonge dans une autre réalité que la nôtre. Il nous rappelle des éléments fondamentaux : la simplicité, la débrouillardise, l’altruisme, l’intégrité et bien d’autres encore, tous nécessaires pour avancer ensemble.
Makongo est le point de départ d’une multitude de questions, il interroge notre rapport au travail et à sa valeur marchande. Une société traditionnelle basée sur le troc, vivant des ressources naturelles tout en les respectant, peut-elle continuer à survivre dans un monde marchand globalisé ? Quelle part accorde-t-on à la réalisation personnelle et à la contribution à la communauté ?
Makongo est un film à multifacettes qui décloisonne et élargit notre vision du monde. On peut le considérer comme un objet ethnographique ou comme une ode humaniste d’une esthétique lumineuse et sobre. Dans tous les cas, il est un outil pédagogique…à la portée de tous.
MENTION SPÉCIALE DU JURY DE LA VILLE DE POITIERS
El año del descubrimiento
Un film de Luis López Carrasco
Documentaire / Espagne, Suisse / 200′ / 2019 / Luis López Carrasco / ECAM
Le mot du jury de la ville de Poitiers
Parce que la sélection était riche de sens, les débats entre nous, membres du jury, ont été tout aussi riches voire difficiles tant de nombreux films en compétition cette année auraient mérités qu’on s’y attarde davantage.
Dans cette période particulière de crise sanitaire qui réinitialise beaucoup de nos priorités, individuelles et collectives, nous avons également souhaité attribuer une mention spéciale à El Año del descubrimiento.
Ce film nous plonge dans une véritable chorale de récits, de souvenirs et d’opinions autour de la condition de la classe ouvrière, de la rudesse de la vie sous toutes ses formes – malgré la propagande véhiculée par les politiques en place – et relate la dissolution progressive de cette classe sociale dans le monde contemporain.
La liberté de parole est donnée aux habitantes et habitants de cette ancienne zone industrielle espagnole, sans filtres.
Ce récit historiographique et politique souligne et rappelle à notre mémoire la dissolution des mécanismes de participation collective, à travers le bouleversement subi par le peuple espagnol, littéralement passé du franquisme à membre de l’Union Européenne.
El año del descubrimiento fait réfléchir sur des fondamentaux qui nous habitent tous : l’évolution du travail, les droits des femmes, le chômage, le rapport à soi et aux autres, la délinquance, les enjeux environnementaux, le rôle du syndicalisme, la place de plus en plus prépondérante de l’Union Européenne…
D’une durée de plus de 3 heures, le dispositif de « split screen », aussi inventif qu’efficace, place le spectateur à la table de bistrot de ces témoins de l’histoire qui nous invitent à prendre part à une réflexion collective, sans jamais ennuyer – au contraire.
PRIX DU PUBLIC
Ayant remporté le plus de votes « votre film préféré » sur la plateforme en ligne
En formation
Un film de Julien Meunier et Sébastien Magnier
Documentaire / France / 74′ / 2021 / Triptyque Films, Quilombo Films, viàGrandParis, ProArti
Une année scolaire auprès d’une jeune promotion du Centre de Formation des Journalistes (CFJ), à Paris, au fil des cours magistraux et des travaux pratiques. Se forme-t-on au journalisme, ou bien s’y conforme-t-on ?
PRIX DES LYCÉENS ET DES APPRENTIS
Das Spiel
Un film de Roman Hodel
Documentaire / Suisse / 17′ / 2020 / Film GmbH, SRF / Square Eyes
Un coup de sifflet. Les gradins du stade deviennent bruyants. Les joueurs protestent avec colère. Les présentateurs suivent l’action sur le terrain. Au milieu de celui-ci, l’arbitre. Le stade tout entier le regarde. Maintenant, il doit prendre une décision et diriger l’énergie de tout un stade.
PRIX DES DÉTENUS DU CENTRE PÉNITENTIAIRE DE POITIERS-VIVONNE
Das Spiel
Un film de Roman Hodel
Documentaire / Suisse / 17′ / 2020 / Film GmbH, SRF / Square Eyes
Un coup de sifflet. Les gradins du stade deviennent bruyants. Les joueurs protestent avec colère. Les présentateurs suivent l’action sur le terrain. Au milieu de celui-ci, l’arbitre. Le stade tout entier le regarde. Maintenant, il doit prendre une décision et diriger l’énergie de tout un stade.
Le mot du jury des détenus
En seulement 17 minutes, ce court métrage retrace à travers les yeux d’un arbitre un match de A à Z et le rôle crucial de celui-ci. Nous ressentons sa concentration, son professionnalisme, la préparation psychique de cet homme qui doit assurer un show sans avoir de parti prit. Il joue un rôle le temps d’un match. Nous le voyons se mettre dans sa bulle, arrivant à faire abstraction face aux cris, aux insultes… puis reprendre sa vie. Il est là pour garantir le cadre, faire respecter les règles, son rôle est crucial et le match ne pourrait avoir lieu sans lui mais en même temps il est malmené, peu reconnu, critiqué…
Nous prenons conscience du poids et de la responsabilité que porte cet arbitre sur ses épaules lorsqu’il est dans l’arène. Mais il est aussi l’homme à « abattre » il est coupable quoiqu’il arrive. Il peut être à la fois acclamé et hué. Il est le seul lien pendant le jeu entre les équipes. C’est le seul à croire en son travail, les gens dans les tribunes sont prés à lui tirer dessus.
Les couleurs ont attiré notre attention, ce jaune en contraste avec le noir et le vert.
LAURÉAT DE L’APPEL À PROJETS DE FILMS DOCUMENTAIRES
En partenariat avec France 3 Nouvelle-Aquitaine
Hacia la luz
Un film de Olivier Péant et François Froget
À Fuenlabrada, dans la banlieue sud de Madrid, Alberto Lamelas est chauffeur de taxi la nuit, et torero le jour. Aux passagers qui le lui demandent, il n’avoue jamais l’origine de la cicatrice qui lui barre le visage : quatre ans plus tôt, il s’est fait transpercer la joue par le coup de corne d’un toro de Miura. Le sujet de la corrida divise, Alberto préfère ne pas l’évoquer : il ne peut se permettre de perdre des courses.
Mais dans sa tête, Alberto Lamelas n’a pas de doute : il est matador de toros. Pourtant, c’est bel et bien son taxi qui lui permet de gagner sa vie.