De manière croissante, le travail contemporain s’effectue, non plus dans le cadre de la relation d’emploi classique entre un salarié et un employeur, mais au sein de nouvelles configurations organisationnelles impliquant le recours à la soustraitance, au travail en intérim et au travail indépendant, qui transforment les rapports sociaux du travail et de l’emploi.
Pour répondre aux injonctions contemporaines du capitalisme financier, la mondialisation des systèmes productifs se déploie en effet en de « nouvelles » stratégies d’entreprises : des opérations de fusions-acquisitions visant des gains de productivité et une baisse des coûts du travail par une réduction des effectifs salariés; des délocalisations par le biais de réseaux de filiales et de sous-traitants des entreprises transnationales vers des pays où la main-d’oeuvre est bon marché et moins protégée ; un reengineering des chaînes de valeur et un recentrage sur les métiers de base de l’entreprise qui conduit à délaisser les activités dont la rentabilité est inférieure aux normes internationales (benchmarking) exigées par les investisseurs et à externaliser la production de certains produits ou services (ex : développement de l’externalisation de la gestion des ressources humaines vers des agences de travail temporaire) susceptibles d’être fabriqués d’une manière plus compétitive par des entreprises sous-traitantes.
Toutes dérivées de l’externalisation, ces modalités de mise au travail ont en commun de mettre en relations diverses catégories de travailleurs avec des entreprises clientes qui, sans avoir à leur égard le statut juridique et les responsabilités d’employeur, exercent néanmoins un contrôle sur le contenu et les conditions de leur travail.
Organisée par le laboratoire GRESCO dans le cadre du festival Filmer le travail, cette journée de rencontres professionnelles traitera de la question des transformations du travail dans ces « nouvelles » configurations organisationnelles : dans la relation d’emploi classique, caractérisée par un échange entre subordination et sécurité, l’instance qui contrôle le travail assume également le risque économique et la responsabilité de la protection ; or dans les nouvelles configurations, il est fréquent que les travailleurs, qu’ils soient salariés ou indépendants, subissent les effets du contrôle, tout en assumant individuellement les risques.
En partenariat avec la librairie La Belle Aventure
Horaire : 9h30
Lieu : Espace Mendès France / Musée Sainte-Croix
Entrée gratuite / Inscription obligatoire
– Monsieur le Président du Conseil Régional Aquitaine Limousin Poitou-Charentes,
– Alain Claeys, député maire de Poitiers,
– Yves Jean, président de l’Université de Poitiers,
Introduction de Christian Papinot, sociologue, GRESCO, Université de Poitiers.
Pour répondre aux injonctions contemporaines du capitalisme financier, la mondialisation des systèmes productifs se déploie en de « nouvelles » stratégies d’entreprises. Principalement dérivées de l’externalisation, ces modalités de mise au travail ont en commun de mettre en relation diverses catégories de travailleurs avec des entreprises clientes qui, sans avoir à leur égard le statut juridique et les responsabilités d’employeur, exercent néanmoins un contrôle sur le contenu et les conditions de leur travail. On assiste ainsi à des reconfigurations des relations d’emploi, tout comme à de formes variées d’encastrement de relations d’emploi dans des contrats commerciaux d’entreprises dont on va voir les conditions économiques et juridiques qui les rendent possibles ainsi que leurs déclinaisons dans différents pays et secteurs d’activité.
– Thomas Coutrot, économiste, DARES, La radicalisation de l’organisation néolibérale du travail en Europe
Le travail en Europe a été durement affecté par la crise financière de 2007-2008 et surtout par les politiques d’austérité budgétaire et de flexibilité menées depuis 2010. Le bilan est désastreux : 6 millions d’emplois ont été détruits dans l’Union européenne entre 2008 et 2013. Mais si les fermetures de sites se sont multipliées, les restructurations liées à des fusionsacquisitions et plus généralement les réorganisations des entreprises et du travail n’ont pas ralenti dans la crise, bien au contraire. L’organisation néolibérale du travail se radicalise, au risque d’une dégradation sans précédent de la santé au travail en Europe. Rien d’étonnant à cela : l’axe essentiel des politiques européennes est le rétablissement à marche forcée de la compétitivité des pays de l’Union dans le capitalisme globalisé. Les restructurations en cours prolongent, étendent (ausecteur public) et radicalisent celles qui avaient été engagées dans les années 1990 autour des thèmes du downsizing (la réduction des effectifs), du reengineering (la réorganisation des processus de production autour des attentes du client), du lean (la réduction maximale des stocks, des coûts et des temps) et du total quality management (la gestion visant la qualité
totale). Elles approfondissent la logique du régime d’accumulation néolibéral, dont les contradictions sont à la racine de la crise actuelle. C’est dire qu’il serait naïf d’attendre que les innovations en cours soient porteuses d’une sortie de crise pour les travailleurs et les citoyens européens.
– Marie-Ange Moreau, juriste, Université de Lyon 2, Quelles régulations juridiques face à la transnationalisation des relations de travail ?
La mondialisation des systèmes productifs est le résultat d’une pluralité de facteurs qui se conjuguent pour faciliter les choix stratégiques des entreprises multinationales qui peuvent s’organiser avec une liberté juridique de plus en plus grande à la fois pour conquérir de nouveaux marchés mais aussi rechercher les conditions de production les plus avantageuses. Le droit international et européen a joué en faveur de l’internationalisation de l’économie et même en est le bras de levier. La mise en concurrence des salariés et des sites de production a conduit à ce que les acteurs qui sont normalement en charge de la protection des travailleurs renoncent plus ou moins clairement à jouer leur rôle : les Etats souhaitent attirer les investissements, créent des zones franches, dérégulent leurs droits du travail, les syndicats n’arrivent plus à lutter contre les menaces de délocalisation et de sous-traitance en raison de leur déclin et des mécanismes de décentralisation des conventions collectives, les inspections du travail sont dans certains pays inexistantes, d’autres ineffectives, ou en sous-effectif et peu armées pour les coordinations internationales liées aux nouvelles mobilités de travailleurs. Les règles juridiques sont encore construites sur un plan national alors que les entreprises organisent leurs activités au plan transnational. On constate dans tous les pays européen des réformes des droits du travail qui vont dans le sens de la dérégulation ainsi que de l’augmentation des flexibilités. Malgré une activité intense pour tenter de construire de nouvelles formes de régulation au plan transnational depuis 10 ans, on doit constater que les règles juridiques adaptées à la transnationalisation des relations de travail restent marginales et que les acteurs sont bien faibles face aux forces de la mondialisation.
Animation Florian Aumond, juriste, Université de Poitiers
– Marlène Benquet, sociologue, CNRS, Financiarisation de l’actionnariat et réorganisation du travail dans la grande
distribution
La financiarisation de l’actionnariat des entreprises est une tendance importante de l’évolution du capitalisme depuis le milieu des années 1980. Or celle-ci a des répercussions importantes sur la gestion et l’organisation de l’activité dans les entreprises. Investisseurs de moyen terme, les fonds d’investissement se rémunèrent en spéculant sur la valeur des sociétés achetées qu’ils accroissent en les restructurant. A partir d’une enquête conduite dans un groupe de grande distribution, cet exposé montrera quelles sont les différentes stratégies mis en oeuvre par les fonds d’investissement pour maximiser leurs profits et quelles en sont les conséquences pour les employés, mais aussi pour les équipes de direction ainsi que pour les organisations syndicales présentes dans le groupe.
– Martine D’Amours, sociologue, CRISES, Université Laval, Québec, Canada La montée de la précarité en emploi : un regard
d’outre-Atlantique
La multiplication des formes d’emplois précaires, et la croissance du nombre et du type de travailleurs touchés, est un phénomène répandu à l’échelle de la planète. Dans l’ensemble nord-américain, auquel appartiennent le Canada et le Québec, leur expansion a été facilitée par un cadre institutionnel très libéral, qui ne pose aucune limite légale à leur création. Le salariat, qui n’a jamais eu en Amérique du Nord le même caractère protecteur qu’en Europe, migre vers davantage d’instabilité, en raison du plafonnement de la densité syndicale et de la création de statuts atypiques (temporaires, temps partiel), souvent moins bien rémunérés et pour lesquels les droits s’appliquent de manière limitée. Le travail indépendant, par définition instable et saturé de risques, concerne aujourd’hui environ 15% de la main-d’oeuvre québécoise. Soutenue par la technologie et la dictature du client, l’économie numérique fait finalement apparaître la figure du « travailleur à la demande », de qui l’on exige disponibilité et flexibilité, sans prendre à son égard ni engagement ni responsabilité.
Le 24 avril 2013, à Dacca au Bangladesh, le Rana Plaza, un immeuble dans lequel travaillaient 4 000 ouvriers du textile, s’effondrait. Menant l’enquête sur les circonstances du drame, Anne Gintzburger et Franck Vrignon s’intéressent également à ses causes et à ses conséquences.
La mondialisation a aussi des conséquences sensibles sur les pays émergents que ce soit en termes de développement des classes moyennes, de montée de la pollution, de dégradation des conditions de travail ou encore comme ce fut le cas en 2013 au Bangladesh de catastrophe industrielle.
Animation : Emmanuel Laurentin, France Culture
Intervenants :
– Cyril Cosme, directeur du bureau OIT pour la France
– Catherine Coutelle, députée (projet de loi visant la responsabilisation des entreprises par rapport à leurs sous-traitants suite à la catastrophe du Rana plaza)
– Marie Ange Moreau, juriste, Université de Lyon 2
– Yves Struillou, Directeur Général du Travail
– Bernard Thibault, membre du CA de l’OIT, représentant des travailleurs, CGT