Si le festival Filmer le travail est ouvert à tous les genres de films sans exception aucune, il fait très clairement la part belle au film documentaire, et la compétition internationale de cette année en est un bel exemple. 20 films documentaires ont été retenus, sur environ 300, répartis en 11 séances thématiques, accompagnées de débats en présence des réalisateurs et de spécialistes des questions traitées. Cette sélection est une proposition pour donner à voir, entendre et réfléchir un certain état du monde, à travers des films de cinéma exigeants, inventifs et créatifs, dans leurs écritures comme dans leurs propositions formelles. Internationale, cette sélection l’est particulièrement cette année, tant par la place grandissante des films étrangers et que par la diversité des pays explorés, lointains
: la Bolivie, l’Algérie, la Californie, le Mexique, la Géorgie, le Burkina Faso, Cuba – ou proches : l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique.
Des films pour la moitié réalisés par des femmes ; de nombreux premiers films et des films d’école également ; une sélection qui mêle ainsi les regards de réalisateurs confirmés et débutants. Les thèmes abordés cette année reflètent très fortement la période de crise profonde dans laquelle nous sommes plongés, avec son lot de fermetures d’usines et de magasins, d’absence de travail ou de lutte pour en trouver un ; des films qui explorent les conséquences de la crise sur les individus qui la subissent au quotidien, en termes de souffrance, de précarité, d’exclusion, d’isolement, jusqu’à la perte du sens et des repères pour une jeunesse qui ne sait plus trop bien dans un tel contexte quel sens donner au mot « travail », ni lequel exercer. Du petit magasin en Espagne, où le client se fait plus que rare, à la chaîne allemande de bricolage qui ferme définitivement ses portes, le travail pèse autant par la vacuité qui l’entoure que par sa disparition, processus dans lequel l’humain semble compter pour bien peu, au vu des logiques de marché qui s’exercent.
Des films qui disent l’exclusion et la difficulté à exercer un métier, et les rapports de pouvoir que subissent certaines catégories de travailleurs, et notamment de travailleuses, reléguées à l’invisibilité : femmes de ménages mexicaines dévouées jusqu’à l’effacement, unique femme chauffeur de bus en Géorgie, ou à la précarité, qu’il s’agisse du cireur de chaussures cubain, du travailleur informel sicilien ou de journaliers marocains. Des films qui disent aussi la dureté de certains métiers, tel l’enfer des mineurs de Potosi, le travail nocturne et solitaire du dameur de piste en haute montagne, le dur labeur des marins partis en haute mer, la vie en suspens des soldats entre deux fronts, dans l’attente de leur prochaine affectation, ou encore la mission ingrate d’une inspectrice sanitaire à Cuba. Des films qui disent la violence du monde du travail mais qui font aussi la part belle à l’humain, en dressant, avec des partis pris cinématographiques forts, des portraits d’hommes et de femmes qui font acte de résistance. Malgré les difficultés rencontrées, ils ou elles tiennent tête aux éléments, les combattent, seul(e)s ou avec d’autres, et disent ainsi la force du collectif qui rassemble, recréé du lien : de l’engagement d’infirmières auprès de jeunes femmes enceintes toxicomanes isolées au Canada à la création d’un spectacle réunissant des danseurs, chorégraphes et musiciens et des personnes en fin de vie à Bruxelles, c’est un cinéma de la rencontre, altruiste et humain, que nous sommes conviés à découvrir.
Des films qui disent l’élan collectif et la possibilité, à travers le groupe, de redonner du sens au travail, et par là même à l’existence : élan collectif des employés de Vélib’ autour de leur première grève ; mémoire du travail qui se construit dans et par une parole, individuelle et collective, autour de la fermeture d’une usine de cotonnade burkinabé ; rêves et espoirs d’une jeunesse qui travaille et se raconte dans un abattoir à Alger. La lutte, la parole et le rêve comme territoires d’une liberté à reconquérir. Des films enfin qui interrogent et nous interrogent sur le devenir d’une jeunesse qui se questionne et tente de vivre autrement ce monde, en explorant d’autres chemins possibles.
Le comité de sélection
–Guillaume Chaudet Foglia, Auteur, membre du collectif La Famille Digitale et de la commission de programmation du cinéma Le Dietrich
–Nadine Michau, Anthropologue-cinéaste, Université de Tours
–Christian Papinot, Sociologue du travail, Université de Poitiers
–Maïté Peltier, Programmatrice du festival Filmer le travail
–Jean-Claude Rullier, enseignant de cinéma, créateur et animateur du Pôle d’éducation à l’image de Poitou-Charentes.
Cette année, 20 films concourent pour les 4 prix du festival : le Grand Prix Filmer le travail, le Prix “Restitution du travail contemporain”, le Prix “Valorisation de la recherche” et le Prix spécial du public. Les trois premiers seront décernés par le jury de la compétition internationale et le dernier par le jury de la ville de Poitiers en tenant compte des votes du public.
Toutes les séances sont diffusées au TAP Castille
En présence des réalisateurs, réalisatrices et d’intervenant(e)s
Horaire : 14h00 – Lieu : TAP Castille
Tarifs : 5€ /3€
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Suspendu à la nuit – Un film de Eva Tourrent
Documentaire / France / 23’ / 2015 / Survivance
Il y a ce fil tendu entre la machine et le vide, entre le dameur et la pente, entre Guillaume et ses pensées. Chaque nuit d’hiver et à 37 ans révolus, Guillaume parcourt les pistes et la montagne pour redonner forme à la neige, effacer les traces des skieurs. Seul dans la cabine, il fait corps avec sa machine dans un équilibre fait d’allers et venues. Il lui faut s’accrocher à la nuit, inventer sa route.
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La montagne magique – Un film de Andrei Schtakleff
Documentaire / France / 68’ / 2015 / The Kingdom
Sous Terre, une lumière nous appelle. Aucun autre choix que de s’abandonner à elle. Dans la mythique et oubliée mine de Potosi, on rejoue les aventures d’Alice aux Pays des Merveilles. Plongée sensorielle dans le dédale d’une montagne au bord de l’effondrement, lieu de labeur et de culte païen, devenu un lieu de curiosité pour les touristes.
Horaire : 16h30 – Lieu : TAP Castille
Tarifs : 5€ /3€
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El enemigo – Un film de Aldemar Matias
Documentaire / Cuba / 26’ / 2015 / EICTV
La Havane. Une inspectrice sanitaire cubaine a la tache ingrate de contrôler les infractions au règlement d’hygiène, qui entraînent la prolifération des moustiques dans toute l’île. Seule contre les insectes, l’insalubrité des lieux et la paresse de ses concitoyens, la femme se met à l’ouvrage. Mais la tâche s’avère bien plus ardue que prévu.
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Winter Buoy – Un film de Frida Kempff
Documentaire / Suède, Canada, Denmark, France / 86’ / 2014 / Momento Film
Au coeur de l’hiver à Toronto, des infirmières viennent en aide à des femmes enceintes, aux prises avec l’addiction et victimes de violences. Suivies de près par leurs anges gardiens, ces femmes essayent d’affronter les obstacles qui se dressent, pour avoir une chance de garder leurs enfants. Une chronique intime qui trace en filigrane les contours de l’altruisme.
Horaire : 21h00 – Lieu : TAP Castille
Tarifs : 5€ /3€
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Fi rassi rond-point [Dans ma tête un rond-point] – Un film de Hassen Ferhani
Documentaire / Algérie / 100’ / 2015 / Allers Retours Films, Centrale Electrique
Dans le plus grand abattoir d’Alger, des hommes vivent et travaillent à huis clos aux rythmes lancinants de leurs tâches et de leurs rêves. L’espoir, l’amertume, l’amour, le paradis et l’enfer, le football se racontent comme des mélodies de Chaabi et de Raï qui cadencent leur vie et leur monde.
Horaire : 10h00 – Lieu : TAP Castille
Tarifs : 5€ /3€
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Killing Time – Un film de Lydie Wisshaupt-Claudel
Documentaire / France, Belgique / 88’ / 2015 / Cellulo Prod, Les Productions du Verger
En plein désert californien, la petite ville militaire de Twentynine Palms côtoie une vaste base de marines. Tout au long de l’année, elle accueille de jeunes hommes de retour d’Irak ou d’Afghanistan. Entre permissions et entraînements, ils tuent le temps, seuls, entre frères d’armes ou en famille, dans un décor particulièrement évocateur du front qu’ils viennent de quitter.
Horaire : 14h00 – Lieu : TAP Castille
Tarifs : 5€ / 3€
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Muebles Aldeguer – Un film de Irene M. Borrego
Documentaire / Espagne / 15’ / 2015 / 59 en Conserva SL
Comme tous les matins, Manolo Aldeguer ouvre son local : un magasin de meubles ringards situé dans une petite ville espagnole. Une nouvelle journée de travail commence. Une fois de plus, Manolo doit faire face à huit heures interminables.
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Hier Sprach der Preis [The Price was Key] – Un film de Sabrina Jaeger
Documentaire / Allemagne / 72’ / 2014 / jaeger/weiner filmproduktion
Informée que la chaîne allemande de bricolage Praktiker ferme définitivement, la réalisatrice part filmer les dernières semaines du magasin situé dans sa ville natale. Non sans humour, elle suit l’histoire tragi-comique des deux dernières employées qui, la tête haute mais la rage au ventre, subissent les soldes à répétition et l’empressement des clients pour qui la fermeture est une bonne affaire de plus.
Horaire : 16h30 – Lieu : TAP Castille
Tarifs : 5€ /3€
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L’inutile – Un film de Camille Holtz
Documentaire / France / 32’ / 2014/ ENSAD
Grendelbruch est un village en lisière de forêt où le travail manuel et la force physique sont les modèles de masculinité. Quentin 19 ans est mal à l’aise au contact de cet environnement traditionnel qui ne lui convient pas. C’est un rêveur en quête d’une autre existence.
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Terra di nessuno – Un film de Jean Boiron-Lajous
Documentaire / France, Italie / 66’ / 2015 / Prima Luce
Au cœur du vieux continent et à la marge de son propre pays, Trieste ressemble à ses habitants : perturbés par le vent, confrontés aux montagnes et attirés par le large. Biljana, Alessandro, Adama et Lisa vivent ici, dans le reflet de ce port, où se dessine une Europe inquiète de son devenir. Dans cette zone frontalière, ces quatre jeunes affrontent leur quotidien et s’interrogent sur leur avenir.
Horaire : 21h00 – Lieu : TAP Castille
Tarifs : 5€ /3€
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Muchachas – Un film de Juliana Fanjul
Documentaire / Mexique, Suisse / 64 min / 2015 / ECAL/HEAD
La mort de ma grand-mère me fait revenir à Mexico, où jamais la relation que nous avons avec les employées de maison ne m’avait semblée aussi injuste. Dans quelle mesure suis-je aussi responsable de l’invisibilité de ces femmes qui m’ont toujours entourée?
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Madonna – Un film de Gogua Nino
Documentaire / Georgie / 58 min / 2015 / CineMark
Madonna est la seule femme chauffeure de bus de toute la Géorgie. Entre l’appartement délabré qu’elle partage avec sa mère et le milieu masculin où elle travaille, sa vie se déroule sans secousses. Mais derrière son masque silencieux se cachent des histoires de jeunesse et des illusions perdues…
Horaire : 10h00 – Lieu : TAP Castille
Tarifs : 5€ /3€
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Autarcie tiger’s II – Un film de Naïmé Perrette
Documentaire / Canada / 37’ / 2014 / Autoproduction
Six jours par semaine, les huit marins pêcheurs du Tiger’s II travaillent jour et nuit au large du Tréport. En observant leur vie quotidienne, ce film entre dans l’intimité d’un trio masculin pour dresser un portrait d’une jeunesse embarquée en mer.
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Seuls, ensemble – Un film de David Kremer
Documentaire / France / 76’ / 2014 / Survivance
Mer de Barents, au coeur d’un été polaire sans nuit, un navire sillonne les hauts fonds sans relâche. Entraînés par un rythme industriel et soumis aux dangers de la pêche en haute mer, une trentaine d’hommes s’acharne pour quelques tonnes de poissons. Qu’est ce qui rappelle ces hommes, marées après marées, à ce périlleux quotidien ?
Horaire : 14h00 – Lieu : TAP Castille
Tarifs : 5€ /3€
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Before we go – Un film de Jorge León
Documentaire / Belgique / 82’ / 2014 / Derives
Bruxelles. Opéra de la Monnaie. Trois personnes en fin de vie rencontrent des chorégraphes, acteurs et musiciens. Ils participent à une expérience unique où se mêlent musique, danse et silence. Leur quête prend la forme d’un hommage rendu à la fragilité humaine, entre réel et représentation, corps tragiques et esprits libres. Ensemble, ils questionnent leur propre rapport à la mort.
Horaire : 16h30 – Lieu : TAP Castille
Tarifs : 5€ /3€
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On ira à Neuilly Inch’Allah – Un film de Anna Salzberg & Mehdi Ahoudig
Documentaire / France / 20’ / 2015 / GREC
A Paris, de jeunes travailleurs de Vélib’ apprennent la lutte et tentent de s’organiser lors de leur première journée de grève. Par son dispositif, le film interroge aussi la relation tendue entre image et son au cinéma.
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La sirène de Faso Fani – Un film de Michel K. Zongo
Documentaire / Burkina, France / 89’ / 2014 / Cinédoc Films
La Sirène de Faso Fani part à la rencontre des ex-employés de la célèbre manufacture de cotonnade burkinabé pour révéler les conséquences désastreuses de la politique économique mondiale aveugle des réalités locales, celle de Koudougou, la ville où je suis né, il y a 40 ans.
Horaire : 21h00 – Lieu : TAP Castille
Tarifs : 5€ /3€
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Relu – Un film de Tomás Navas Curie
Documentaire / Cuba / 10’ / 2014 / Escuela Internacional de Cine y TV
Hernán est cireur de chaussures. Fatigué de la situation difficile qu’il endure à Cuba, 55 ans après la Révolution, il n’hésite pas à critiquer ouvertement la politique et les restrictions de son pays.
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Lo Stato Brado – Un film de Carlo Lo Giudice
Documentaire / Italie, Sicile / 30’ / 2014 / CLG cinema
Époux et père de famille, Giovanni n’a plus de travail et bientôt, plus de logement. Dans une Catane gangrénée par la pauvreté et la corruption, ce film fait le récit d’une survie et révèle l’intimité d’un sous-prolétariat qui a depuis longtemps perdu son droit à une parole publique.
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La route du pain – Un film de Hicham Elladdaqi
Documentaire / Maroc, France / 61’ / 2015 / Tact Production
Le quotidien des habitants d’un quartier populaire de Marrakech, ou le ballet toujours recommencé des laissés-pour-compte d’un système. Chaque jour, ils sont des dizaines d’hommes et de femmes qui se postent aux pieds des remparts de la Médina pour quémander du travail.